« Et si on restait là ? »
ou
La mort de l’intime
La Métaphysique du riche
volet 4
C’est la mort de l’intime, Zuckerberg l’aurait dit, il y a une dizaine d’années : c’est comme ça les pythies, ça sait tout en avance. Sauf que là, c’est plus l’histoire du bateau ou du chien enragé. Vous ne voyez pas ? Mais si, attendez.
Je donne un coup de hache dans la coque = j’accuse mon chien d’avoir la rage. Ensuite je peux dire que mon bateau coule ou je peux tirer un coup de fusil sur mon chien. Dans les deux cas, pour d’obscures raisons, généralement financières, j’avais intérêt à ce que mon chien coule avec la rage dans mon bateau pourri.
Ce sont ce qu’on appelle aujourd’hui les « circonstances de la vie », qui, généralement encore et en réalité, dépendent d’un choix de vie, qui, lui, a acquis la noblesse de l’italique, fort d’une multiplication exponentielle (les maths ne servent plus qu’à mesurer l’exponentiel) des adhérents à cette théorie. Car, si, c’en est quand même encore une : on peut, je vous assure, encore quand même, sans aller en prison (mais c’est limite) choisir de ne pas choisir sa vie… De la laisser faire, mais ce sera pour une autre fois.
Les gens qui laissent la vie faire pour eux font peur et c’est bien normal.
Zuckerberg était même dans ladite déclaration encore plus fort que le canicide ou le saboteur fou : il ne disait pas cela pour mettre en garde. Ces gars là, d’ailleurs, je ne sais pas si vous l’aurez remarqué, mais ne mettent jamais en garde, rigoureusement jamais. Ce n’est pas par coquetterie, non, c’est par idéologie, pardon, par absence d’idéologie : je ne juge pas, mais ça rapporte !
Don’t be judgemental ! Ou, mieux encore : you take it too personally sont les principales répliques que doivent désormais se préparer à recevoir en soirée les égarés de l’ancien monde, en tout cas en pays anglophone, et qui, lorsque vous faites partir de votre côté toutes vos paroles comme des petites bombes, explosent en réponses molles, assourdissantes d’inanité, comme de paralysantes torpilles de torpeur, de doucereuses GLI-F4 de la pensée, comme des fusées de non-détresse, lancées stoïquement et même humainement depuis l’Olympe de l’impersonnalité, là où le nom même d’individu est sévèrement puni par la loi.
Dans un tel monde, il n’y a pas de danger, il n’y a que des imprévus, qui, par définition, n’ont qu’à être recalculés. Que l’humanité s’abrutisse et perde toute conscience de son intériorité n’est non seulement pas un danger, mais c’est même souhaitable. Autrement dit le danger c’est vous, qui trouvez cela dangereux.
On pense tout de suite Orwell, 84… Vieille scie ! C’est bien pire, en réalité.
Comme il n’y a plus rien derrière les paroles ni les attitudes auxquelles nous sommes désormais astreints par une morale invisible, soluble dans l’administratif aussi bien que dans la loi du marché, invisible et donc toute puissante occupante du terrain : regardez, la morale est morte ! On a libéré l’humain !, braille la seule morale justement à occuper le terrain, ces formules toutes faites (ne dites surtout rien qui vienne de vous ! Ça risquerait d’être nouveau…) dans lesquelles nous devons entrer comme un Japonais dans son placard, pardon dans son lit et ce, à peu près toujours en public, comme il n’y a plus rien derrière le paravent puisqu’il n’y a plus de paravent, ce sont ces mots et ces attitudes qui tiennent lieu de personnalité : rien derrière, c’est rideau sur néant un peu comme dans une tableau de Matisse (au choix mais avec chapeau, ciel et si possible oiseaux : « Marco, tu vas chercher ? »).
On prend au pied de la lettre ce qu’on ne veut pas prendre au sérieux : les mots, l’écrit, la langue, le langage… Non mais, lire c’est du temps, le temps c’est de l’argent, conclusion : les bouquins c’est trop cher. Langage devenu donc à la fois cache-misère, parade sur néant politique et intellectuel (je distingue les deux par habitude, étant né dans les années 70) et manifeste, carte de visite, protocole, préambule à l’Être, désormais liquidé par cette opération même : plouf, plouf, magie magie ! Le tiroir dans lequel le Japonais se retire le soir est un lieu de sur-exposition maximale sans contradiction avec son exiguïté. Au contraire, celle-ci, en se resserrant sur le candidat au sommeil réparateur qui lui permettra de retravailler le lendemain, pèse sur lui-même sans aucun espace d’intimité, l’obscurité cesse d’être une ouverture sur l’infini pour devenir irrespirable au dormeur paradoxal : il est sur-exposé à la honte d’être si misérable, d’être interdit d’espace, comme si des milliards de regards, tous ces yeux qui ne sont pas les siens, l’épiaient en souriant par-dessus son épaule au cœur du sommeil introuvable… Le travailleur des temps modernes entre dans le sommeil comme on entre dans un camp.
Tu es donc ce que tu dis parce qu’on ne t’écoute pas, qu’on te lit encore moins et, surtout, qu’on sait déjà qui tu es.
Si vous entretenez le moindre soupçon qu’il y a un « derrière », un dessous de la carte, en somme, un en deçà du territoire, là mes amis, les carottes et les marrons vont pas faire bon ménage long feu. Pire, si vos mots renvoient à d’autres mots, vos textes à d’autres textes, mon dieu, je ne sais… c’est le peloton.
Mais honnêtement c’est pour vous éviter de souffrir.
Sinon ça risque d’être long.
Ce passage terrestre à savoir lire et écrire.
Vous risquez de ne pas rencontrer grand-monde.
Et, en même temps, il y a des chances pour qu’on vous loupe pas. C’est bon, je suis dans le viseur là ?… un peu plus bas peut-être ? Pardon, monsieur le Bourreau (si, si j’insiste…), je fais de mon mieux…
Des chances qu’on ne vous laisse pas longtemps non plus tourner en rond : les non-rencontres vont envahir tout votre temps, c’est promis. Tu échanges trois mots, ils croient qu’ils peuvent venir chez toi. Tu échanges deux blagues, le lendemain ils te tapent sur l’épaule… Les faux-amis sont beaucoup plus accaparants que les vrais… qui peuvent sommeiller des années en pays lointain, chérissant votre souvenir et vous le leur rendez bien… Ils sont pas là pour les mêmes raisons… Ils ont pas la même mémoire. Les faux amis sont une chaudière qu’il faut calmer à brouettes de gros coke. Les vrais, ça ne s’explique pas, n’ont rien d’une gueule affamée et ont tellement de mémoire qu’ils peuvent vous oublier… c’est pas de la mémoire-tampon, ça a pas besoin d’être réactualisé…
A l’inverse et dans le même mouvement, il faut que vous soyez justiciable de tout ce que vous dites, non dans le sens d’une responsabilité morale et civile qui demande à chacun de répondre de ses propos, non, non vous pouvez balancer, pas de souci mais dans celui de ce que ces propos sont pour ceux qui vous demandent de vous en justifier, en étant vous-même (attribution magique d’identité, le ministère a bien eu lieu) ce qu’ils ont compris, voulu comprendre, décidé a priori de comprendre que vous étiez (ce qui fait qu’on est toujours un peu en retard sur soi) et devenus incapables de comprendre autre chose, comme s’ils s’étaient eux-mêmes retiré cette capacité, qui vous somment de leur obéir en incarnant le personnage (ça y est je l’ai dit) qu’ils ont pu saisir de vous, à travers une fente toute étroite, qui s’appelle miraculeusement une meurtrière, ou une jalousie (ça fait longtemps qu’on a tout compris à tout en fait).
Et puisque vous n’avez plus de corps, ça tombe bien dis donc ! vous êtes même devenu sans le savoir une pure incarnation (comprenne qui pourra, j’ai peu de temps), mieux : il faut que vous répondiez sans cesse à l’impératif contemporain d’exhibition totale et permanente en personnifiant, en vous présentant comme pur contenu à cette persona totalitaire, fasciste (oui, oui), toute puissante depuis qu’il n’y a, au bas mot, plus personne, en exprimant, pour conclure, par le moindre de vos gestes, de vos regards (éteints et baissés de préférence, ne leur mettez pas la moindre étincelle d’intelligence dans la gueule) strictement ce qu’ils impliquent de vous, surtout ne débordez pas du rôle, ne dépassez pas l’espace imparti : vous êtes leur pitre, osons le mot : leur Joker, qui est bien sûr un esclave et ce, selon des logiques d’interprétation qui relèvent, bien entendu chers collègues, de celle du plus petit dénominateur commun. « Leur » ? Qui ? Mais tous les autres bien entendu. C’est là-dessus qu’Artaxerxès fait florès… A qui le tour du bouc émissaire ? Nan, je m’y colle encore ? C’est parti.
Les paroles sont désormais conçues comme privées de tout mystère autre que celui qui permettra de les renvoyer, par associations approximatives, à des discours déjà connus et qu’on a désormais intérêt (financier, la barque, le chien) à condamner publiquement. Tout est là : il ne s’agit absolument pas de proscrire, Zuckerberg Alphonse IIIème du nom ne juge pas : c’est un fait, et le but n’est aucunement d’éradiquer cette altérité retorse qui permet la démonstration de toutes les forces d’exhibition et, simultanément, de condamnation en exercice, justement, désormais définies comme l’exercice du Bien et donc Le bien (t’as vu la majuscule a bougé?) qui est LE bien (même remarque) puisque rien ne s’y oppose et que l’histoire est toujours celle des vainqueurs. Désormais seul ce mouvement d’exhibition/exclusion est live. A vos postes !
Qui sont les perdants ? Qui sont les humiliés ? Les offensés ? Quel personnage de Dostoievski voulez-vous être ? Ivan Karamazov qui dit que puisque Dieu est mort tout est permis ? Le jouisseur patriarche assassiné, Karamazov le Père, qui ressemble par anticipation (encore elle) à tous les débonnaires adipeux qui envahissent la scène médiatique pour poser comme nouveaux modèles de l’esprit positif et de la réussite sociale ? après Bernard Tapie, qui jouait encore (je ne dirais pas au moins) sur le démembrement de l’esprit chevaleresque, qui se payait encore sur la bête, la charogne du capitalisme conquérant et de, attention ouvrez les guillemets, l’esprit d’entreprise (italiques finalement, noblesse oblige…) qui est la pire idéologie qu’est fait naître le… 20ème, 19ème, 16ème siècles ? Qui est le père encore (ne vous fiez pas au registre) eh bien, je ne sais pas, de n’importe quel sportif devenu consultant, avec ou sans lunettes, n’importe quel conseiller en communication, n’importe lequel n’importe lequel…
Vous préférez peut-être Piotr Stepanovich, qui attire les zombies de l’aristocratie décadente aussi bien que le chien-dent de la poussée révolutionnaire dans son orbe de néant, pseudo-révolutionnaire lui-même et pseudo-nihiliste tout à la fois et sans paradoxe, au contraire (« Dieu, j’y crois, mais distinguons. », Les Démons, tome 1), et qui a le bon goût de n’être rien, ou a seulement l’orgueil de cette même ambition, comme Giono le fera dire plus tard à une vieille femme, à l’adresse d’un jeune hussard piémontais, bien-nommé Angelo, qui ambitionne à son tour la couronne de non-existence mais d’hyper-signifiance.
On vous demande l’inverse ! têtes de mules ! De l’hyper-insignifiance : fermez-la ! De l’hyper-existence : qui êtes-vous ? Hein qui êtes-vous ? Si vous dites ceci, si vous faites cela, si vous avez l’inconséquence d’écrire encore tout ça c’est parce que vous êtes : « … » eh là, sociologie de bas étages, psychologie de bureau, c’est parti mon kiki, ne vous en faites pas, on va vous en trouver des personnages, parce que vraiment, une fois que vous en êtes un, vous êtes vraiment inoffensif. Plus de dents, plus de griffes, une vraie peluche : oh regardez comme il est énervé, j’adore… Le compliment stérilisant, bien plus fort que tous les anathèmes (une petite amende, ceci dit, un rendez-vous dans le bureau du DRH), il suffit qu’on parle de vous à la troisième personne (si, si, des gens éduqués font cela aujourd’hui, c’est cela l’éducation voyez-vous, ils prennent même les autres à témoin), et vous voilà une flaque, vous pourrez toujours vous démener, ce sera tempête dans un verre d’eau et le Bourgeois rentre content, il a humilié ce qu’il ne sait pas admirer : l’indépendance. On passera sur l’analyse des frustrations qui commandent une pareille politique de dénigrement par l’ovation, elle est bien connue et il est plus intéressant de voir pourquoi elle opère aujourd’hui avec une force renouvelée alors que notre niveau de vie, notre accès au savoir nous retirent quand même pas mal d’excuses à tomber dans pareille crétinerie.
Eh bien c’est encore Anatole qui a la réponse…
Quand Marco Sombrero Hombre.com nous annonce la fin de l’intimité, il ne s’en émeut qu’avec optimisme, dissimulé bien sûr : vous êtes autorisés, mais chut, pas trop fort, à vous réjouir. Avez-vous remarqué que les célébrations ne se font plus au champagne ? Ça c’était le monde de Balkany. Non, le monde de Marc-Antoine, c’est celui de la célébration douce, un peu sous tranquillisants, on entre sans hargne dans cette douce nuit de la dissolution de tout ce qui est personnel, vous laisserez vos affaires au fond de la salle, on embarque sans bagage pour Cythère, creux comme des ballons mais lourd comme du plomb, je vous garantis que les semelles sont pas de vent : il s’agit pas de glisser sur le pont, ventouses, ventouses, les tempêtes désormais sont pur spectacle, hein Caliban ?…
Quoi de neuf ? Mais tout, voyons… N’écoutez pas ce qui a déjà été dit, écoutez ce qui se dit aujourd’hui, sous nos oreilles, à travers cette révélation anti-prophétique de Monsieur Z.
Et, malheureusement et pour finir, anti-poétique. Attention aux fausses routes : poein/créer, la poésie est LE genre qui donne aux mots un pouvoir créateur. C’est-à-dire qui prend les mots pour des mots, attention à la deuxième fausse route, les poètes ne sont pas amoureux des mots, ils les détestent, les combattent pour leur sommer de rendre cet aveu : oui j’avoue, dit le mot, je ne suis qu’un mot. Caudillo Garciminore Zuckerberg ? La montagne sucrée ? Tu penses si elle va pas accoucher d’une souris en caramel : vos mots sont tout puissants ! Rédiger un commentaire ? Quelle est votre humeur aujourd’hui ? Voulez-vous revoir ce statut d’il y a 9 ans ? En attendant vous seuls pouvez voir ce post, nous avons pensé que vous aimeriez le revoir, cliquez sur partager. Cela mériterait une somme médiévale à soi tout seul, cette question du mot pris pour une chose, pire une chose identificatrice, par Zuckerberg, le sucreur de mots, le marchand de lexique glacé, un attribut, comme pour les dieux grecs que nous sommes tous devenus, un stigmate qui dira si nous sommes des Jésus, des Pilates ou des Judas : c’est ton choix ! Tu peux même faire celui d’être un salaud ! Tu choisis de te salir ou de te laver les mains : c’est tout pareil, à partir du moment ou toi devenu mot tu corresponds à chose qu’on t’a collée. Pas difficile comprendre.
Mince… tu aimes les choses ? Nan… ne me dis pas… Bon : Tu te crées ton propre sacré ? Hein ?… Vas-y, je suis près : tu prétends que ce sacré intime plonge des racines dans le sacré des autres, hommes, époques, cultures, arts, techniques… tu prétends ça hein c’est ça nan mais vas-y dis-le, maman est morte de toute façon alors. Tu ne peux pas faire ton pèlerinage devant une boutique Apple comme tout le monde ? Steve Job, ça te suffit pas comme figure christique ? Comme sauveur tu as mieux je parie, comme dirait l’autre.
Non là les enfants vous poussez. On vous libère de l’intime et vous cherchez du sacré. Mais allons, qui peut le plus peut le moins… Si on vous a opéré de cette excroissance monstrueuse, sans doute logée près de l’hypothalamus, cette envie abjecte, naturelle, contre-virtuelle et contre-vivre-ensemble qui vous tire vers une vague idée de savoir qui vous êtes, je le répète, vous n’avez rien compris : vous n’êtes pas là pour vous connaître, vous êtes là pour vous réaliser, c’est-à-dire prendre conscience que vous êtes réel ! Notre sacré à nous est ré-el ! Notre sacré c’est la fin de la conscience individuelle et donc de tous les maux (au profit de mots!). Comme tout à l’heure : une seule idéologie = plus d’idéologie ; une seule morale = pu de morale ! Et, je vous le donne en mille : un seul sacré = n’a pu le sacré. (Ou, comme l’enfant sur son pot : « A y eeest ! Finiii ! »). Laissez-vous tirer hors des promesses fumeuses de l’intériorité bordel ! (quel mot, mais quel mot!). Laissez-moi tomber ces fétiches !
Il me semble pas que c’était le programme d’Antonin, et là je déconne plus, je parle d’Artaud le Mômo quand il disait qu’il voulait en finir avec le jugement de Dieu. (Il voulait aussi localiser son trou du cul, ce qui est en plein dans notre affaire, je vous laisse prolonger.)
Celui (celle) qui a un toc lié à un objet qu’il sacralise, qui se trimballe avec son petit grigri, talisman, sa dragonfly in amber, son memento mori bien à lui : qu’elle (il) avance d’un pas s’il vous plaît. Voilà ce qu’on hurle aujourd’hui en silence, ce que mille autres propos soi-disant sympathiques (« gentils ») ne cessent de répéter comme injonction : avance-toi, qu’on te voie bien, le fou là, la folle, sorcière, hystérique, facho ! Avance sous le soleil de la bêtise qu’on puisse bien viser de nos crachats. Quiconque présente une version du sacré respectable en soi, c’est-dire du sacré qui plonge et remonte d’une intériorité à la fois ultra-personnelle et méga-ancestrale, une caverne intime ouverte aux quatre vents et traversée par le temps, encore une fois, qu’on n’a pas pour l’expliquer ici plus en détail, est mort à l’instant. Il ne fera que s’ébattre ensuite. Pour rien mais c’est beau.
Qu’il relève d’un délire personnel ou collectif, le sacré provoquera un acharnement proportionnel à ce qu’on sentira d’attachement personnel, de part de par-devers-soi, de noli me tangere, toute confiance en son monde intérieur sera dénoncée (je pèse mes mots, comme toujours) comme un signe d’animosité envers les autres (il ne faut plus dire « autrui », pour les mêmes raisons que celles qui ont fait disparaître le je sous la somme de ses mots) et l’acharnement qu’on mettra à souiller l’objet du tic, l’objet du sacré pour autrui révèle l’incapacité désormais active et vociférante à supporter le sublime, le transcendantal chez l’autre…
C’est le coup de la caverne, de Platon cette fois, mais c’est un peu la même que la grotte intime…
C’est le coup vieux du vieux grec mais en plus violent : les chiens sont lâchés, haro sur le baudet…
Le sacré, de même que l’intime, sont désormais frappés d’interdiction (soyons simples) parce qu’ils ne peuvent plus être que synonymes l’un de l’autre : l’intime ne peut plus être que sacré, interdit qu’il est de cité sur la place publique autrement qu’à travers ses réductions vulgaires et psychologisantes (on a tous besoin de…), et le sacré ne peut être qu’intime, pour les mêmes raisons. Qu’on imagine, pour se persuader de cette double équation cadenassante, un intime qui s’exhiberait sous des dehors mythologiques, poétiques, radicalement philosophiques, et contre tout psychologique. Je vous assure, c’est un petit suicide quotidien. On fait de vous un autodafé ambulant, et je vous jure qu’il y a du monde pour applaudir…
Umberto Eco s’est paraît-il fait alpaguer un jour par un (une?) fan tellement au sens littéral qu’il s’est retrouvé dans une cabine téléphonique avec le type ou la nana qui appelait sa mère, sa pote ou son frère pour lui dire qu’il ou elle était avec l’auteur de Comment voyager avec un saumon (la périphrase est de moi et sert surtout à éviter de répéter Eco, ce qui serait un comble).
On se quitte là-dessus ? En plus j’aime pas le saumon.
Copenhague, fini d’écrire le 1er mars 2020.