TESTAMENT I
« nulle part sous le ciel »
Il faut qu’il glisse au loin mitraille pour de bon l’orphelin l’orphelin contemple des soleils il n’ose pas bercer sa mélancolie future aux refrains de silex que la jetée éclate au pied de la falaise il sait bien que cela passe avec le reste et que l’ami est un passage et n’a rien d’un chemin il sait bien qu’il faudra tout défaire et que s’arrachent les fils en cicatrices de pirate en coups de poings assis par terre et les carreaux de la cuisine où les bleus drames de l’amour transforment tout en chambre froide et les yeux du néant qui scintille un peu rose
J’ai vu la mousse en pissenlit à la frontière du chardon j’ai vu des roses hésiter à fleurir de peur que ne leur poussent des épines et le sang est toujours à deux doigts de sécher la poigne de fer les menottes que le Diable passe à ses amants il a tout vu et cent jours seront joués qu’il n’aura pas bougé à force de battre les cartes sont toutes cornées sans exception jamais il y a des peaux qui pendent qu’il arrache avec des bouts de dents cela déchire la couture jusqu’au sang à nouveau tout rouge vif l’alcool ou le zeste un rien qui soit acide salé ou javel lui hurlera près des ongles des forêts de douleur sors elle dit sors et n’attends pas que ton sort soit celui d’un ultime incendie
Abandonne les derniers accents les dernières déclivités des granges dont le toit a crevé sous l’orage et où les chats-huants font semblant d’exister ailleurs que chez Huysmans ailleurs que dans un accouplement de songes monstrueux les poutres espacées il fallait être fou pour aller y ramper à six ans de hauteur à six mètres d’âge vieux paquets de photos qui récrivent la mémoire sur souvenirs stagnants sur portrait de l’avenir en PDG pas conciliant en chirurgien bohème en artiste raté et prépuce de gloire à la fin n’applaudissent que les invités on passe sans se retourner ce n’est qu’un lieu de plus en galerie aménagé pas de jardins suspendus tout ce qui est beau est un mensonge vois-tu muse je te mens depuis que tu es née
J’ai fait des testaments qui se roulent par terre et glissent sous mon lit à se tordre de rire et j’avais pris des notes en prévision des chefs-d’œuvres que tu ne veux pas écrire et je t’ai accueillie par pure charité ma sœur je savais bien que les moissons étaient passées car j’ai toujours tout su au fond on ne humera plus jamais à deux la pourriture active où le maïs en silo se complaît avec des avants-goûts de mort instantanée je me traîne à tes pieds j’oriflamme tes noms en lettre capitale à la lettre pendu quand j’enfonce un ciseau juste sous le papier qui m’a servi de peau
Nous sommes tous nés dans la captivité et humains de réserves nous sommes les pantins d’un rêve de quelqu’un qui n’est plus jamais nous nos larmes sont de sable elles collent au papier et crissent en tombant au fond des enveloppes car tout est compté le firmament rebours n’est qu’un signal de plus pour signifier la mort déjà depuis longtemps narratrice invisible ou voix off dans le puits des crânes où l’âme éternelle entièrement retirée fait des échos comme des gouttes en une grotte qui était déjà trop lacustre on ne veut plus de tes surprises muse éteins tes tierces prétentions ou reviens demain le temps est creux il saura résonner si tu sais te cacher sous une lourde pierre et attendre sans fin qu’on vienne à te violer
Copenhague, le 6 avril 2020.