Je préfère passer ma soirée avec un cerveau de 16 ans qu’avec un type de 50 qui n’en a pas. C’est d’ailleurs ce qu’on faisait avec moi quand j’avais 16 ans : on me causait et on me laissait causer pendant des heures sur : l’Art, la Littérature, les Filles, Dieu, la Musique. Et d’autres sujets qui font mauvais genre.
Oh les regards des collègues quand vous dinez avec quelqu’un de jeune. Je parle même pas avec une. Et si elle est jolie (elle l’est forcément puisqu’elle pense mais je parle de la joliesse pour beauf), alors là… Peloton.
En revanche, baver des blagues graveleuses, là oui, autorisé. Entre mecs, allons. Sans compter ce qu’il faut se taper… Soyons réalistes. (Parole d’ordure.) Vas-y que ça mate.
Les élèves qui défilent ont mille fois plus de dignité. Petits 5ème disant bonjour d’un air gentil. L’autre, il repasse deux fois, et la deuxième il faut qu’il échange encore un regard. Il pue dans votre dos. Son petit signe de connivence lâché pour ne pas partir à la dérive, son petit caca flottant, sa bouée de merde, son étron de cuir. Allégorie néant total. M. Prudhomme porte Hugo Boss. Quelle pitié qu’il est impossible d’éprouver : ce sont les maîtres du monde du fond de leur coquille. Ça sent la vase sous les moulures, le plafond descend à donf, ça macère grave…
Ainsi je préfère passer ma vie avec des gens qui pensent et le faire avec eux, penser, parler et penser, vivre. Qu’ils aient 16 ans ou 72. (J’ai plus de mal à en trouver entre les deux, ce doit être l’emprunt.)
Et laisser passer les sourires en coin, les visages déformés, les médiocres qui cherchent la complicité pour masquer leur malaise, les taches dont la seule tâche en ce monde consiste à rétablir l’assiette en permanence pour pas passer définitivement par-dessus bord, dont la seule activité est de colmater la vulgarité inquiète qui les bouffe et qui ne sait plus être honteuse.
Laisser passer. Laisser passer, s’il vous plaît, nous sommes cosmiques à notre table, vous n’avez qu’à vider l’égout.


