Rimbaud final

Rimbaud final

Rimbaud ne parle jamais de littérature. Jamais. Il ne parle même pas de Poésie. Il parle du Poète, si on veut. Littérature vient de litter, qui présume déjà un emprisonnement, Rimbaud n’en parle pas parce que cela ne point pas à son horizon, c’est sous le mauvais angle, radicalement hors-sujet. Il y a déjà un conditionnement : finir dans un livre, qui est la définition de la liberté et, en cela, sa négation : Rimbaud n’en parle pas car il l’élude, ce qui est une manière, la seule possible sans doute, de déjouer cette finalité en œuvre, beaucoup ont dit que Rimbaud n’avait pas assez écrit : c’est en écrivant peu qu’il écrit sans récupération possible.

Il parle dans les lettres, les fameuses lettres, de l’acte d’écrire. Je répète, il en parle dans des lettres : lieux du jeu et de la défausse, dans ses lettres Rimbaud n’écrit pas, il désécrit, il écrit pour les aveugles, les « lettres du Voyant » sont les lettres de l’aveuglement. Rimbaud n’a pas le temps d’expliquer, il déjoue, il fausse-trappe, il apitoie les impuissants, qu’ils se collent à sa glue pour le lire quand même ils n’y comprendraient rien.

Car la destinée de la Poésie de Rimbaud est de n’être pas comprise. Pas du tout comme celle d’un Poète maudit, Verlaine est en carafe, pas qu’il ne puisse être compris et que ce soit son drame, ce qui puerait encore son Romantisme.

Rimbaud écrit et il définit la fin de la lecture dans son écriture : ce n’est pas une histoire de compréhension. Lacan l’a dit. Comprendre, ce serait étymologiquement prendre avec soi et donc, Platon à l’appui avec sa vision (car il en avait une bien sûr) re-connaître ce qui était déjà familier. Avant Magritte, Rimbaud rend au signe sa valeur de signe : le mot ne désigne rien, et surtout pas la chose, le mot « est » ; il est musicien, peintre quand ils sont grands (Van Gogh et Picasso), invitant à la pure chose qui n’est pas dicible puisqu’elle EST le signe et qu’il n’y a RIEN à dire. Tout est là, je répète : tout est là, les trois termes de l’équation s’accordent. Mallarmé se fourvoiera, le signe est morbide puisqu’il rate la chose.
Rimbaud dit : la chose n’est rien, puisque j’ai compris le langage du signe.
A suivre…