Tout le monde descend !
La métaphysique du riche
volet 5
Un couloir obscur… un escalier de fer… Non mince ça c’est IAM, L’école du micro d’argent. Là on serait plutôt dans une ambiance 7 d’or sur France 2, à condition de garder le côté crépusculaire. D’ailleurs je ne sais pas pourquoi je précise, il y a avait tout dans la phrase déjà pour que le crépuscule soit bien présent et bien crépusculaire. Ce qu’il faut surtout bien raboter qu’il n’en reste pas un bout, c’est l’épique et le tragique, tous les registres nobles et un peu fous, et j’oubliais le comique, là je vous jure que rien n’est drôle, là vous oubliez, même en balayant dans les coins, vous n’en ramènerez pas un gramme : que du futile, rien d’important et, partant, rien de grave donc rien de grand ni d’amusant (dans amusant il y a muse, malheureusement…) : si vous trouvez des accidents ce sera plutôt du côté sordide, les gouffres sont tous bien vulgaires : qui a perdu ses clefs, qui cherche un appartement, qui conseille d’aller dans tel restaurant, qui s’en étonne, qui rit, qui parle de ses enfants, de leurs résultats scolaires, qui vous fait les gros yeux parce qu’on ne lui a pas dit « salut » avec autant de familiarité que requis et attendu et qui vous en veut donc à mort d’être vraiment trop formel. D’ailleurs on a commis l’impair horrible de ne pas lui dire salut mais bonjour et donc on l’a poussé(e) au bord de la falaise : il ou elle ou on ne connaît pas ce registre, il ou elle ou on se sent con, conne ou cons et croit ou croient que c’est votre faute, s’il se sent con ou conne et si c’est le cas, dire bonjour ou bonsoir est pour lui ou elle à peu près aussi incongru que se mettre à réciter un vers car il ou elle et je ne parle plus de on n’en connaît pas et c’est fait pour les profs de Français, les vieux instits : oui, c’est bien là qu’on arrive, dans le cloaque de l’entre-soi petit bourgeois, dans l’antre de la non-spécialité, le fourre-tout des pseudo-compétences en tout genre mais qui reviennent au même : la nullité et l’illusion, le palais de l’horizontalité ultra-plate et ignorante d’elle-même, là où les projets ont remplacé tout savoir, là où l’expérience est toujours un peu foireuse et cherche à l’être, toute compétence réelle étant vue comme une forme d’arrogance, le plat pays des idées du temps les plus communes, la salle d’enregistrement des plus éculés clichés en boucle où la réponse comme un lundi et son pendant bientôt les vacances rythment une prosodie de fin du monde, là où les éclats de rire font penser à un silex qu’on rabote, lui aussi, à la meuleuse à disque, là où même celui qui est censé employer ce genre d’outil a préféré que les étagères de la cuisine penchassent et que les lampes pendouillasses du plafond au bout de fils à nœuds, à la hauteur des yeux. Susceptibilité maximale, tu fais la moindre remarque et c’est l’anathème collectif, la répudiation, on va te dénoncer pour crime d’arrogance contre humanité et tu finiras dans un bureau où on parle plus tout à fait vraiment, ni le Français ni une autre langue, où le type qui te rappelle les règles de vie en communauté sans parvenir à véritablement finir une phrase (mais quand et où diantre l’a-t-il commencée ?) est quasi muet quand il faudrait parler et lorsqu’il parle il creuse du vide mes amis j’en aurais la nausée si ça ne donnait pas déjà le vertige, où on ne parle plus tout à fait vraiment si on est un peu à cheval ou même tout simplement honnête sur ce que parler veut dire, oh là là, où les compliments dégoulinent sur vous comme une glu indélébile et nauséabonde, mais tu aimes ça, quand même, où les regards sont toujours en coin, épiant l’ironie, prêts à bondir toutes griffes dehors pour vous faire ravaler votre foulard insupportable parce que vous ne voulez pas, je t’ai écouté parler Anglais tu pourrais essayer en arrêtant de dire You Know tout le temps ? que vous vous refusez même, espèce d’ordure, à valider ce qu’ils ne savent pas qu’ils sont ou ce qu’ils aimeraient être et dont vous n’avez malheureusement rien à foutre, sauf que ça vous pourrit la vie, parce que vous évitez de trancher leur cas, impardonnable, que vous les laissez vivre et que vous aimeriez qu’ils vous laissent de même, qu’on se contente d’être courtois, sans quoi rien n’est possible en société, faut-il le rappeler et que l’éloge de la différence compte dans ses rangs des gens qui se ressemblent tous, impardonnable parce que vous osez ne pas savoir rire à des blagues qu’un CE2 ferait peut-être encore s’il avait des soucis de croissance, généralement autour de la bite, dessinée en ketchup sur Instagram par exemple pour les garçons ou, plus subtile, pour les filles, nous sommes dans un milieu ultra-genré, sur votre propre élégance, qui ne vous fait pourtant plus rire depuis longtemps et qui n’arrive même plus à vous rendre invisible à force d’outrance, tellement les temps ont changé et que les représentations ne font plus contre-pied, qu’on a dévissé le dernier trampoline vers les autres siècles, que désormais la mise en abyme sur toboggan et toute théâtralité sont proscrites, la baignade est interdite on vous a dit ! En revanche, si vous voulez chasser, je connais un endroit où il reste encore des gens qui lisent, le canapé lui-même encore tout neuf est éculé de naissance, je vous présente mon bébé, on se croirait dans Le Roi Lion et on cherche la crinière, vous ne pouvez vraiment y imaginer, dans cette couche qui a l’air sale à peine déballée, aucune conversation et quant à lire un livre aux yeux de tous, en public ! obscénité suprême, il vaudrait mieux enculer un balayeur, je crois que là c’est la chaise électrique ou le supplice du pal, pour la lecture publique, pas pour le balayeur. Elles sont toutes à contre-emploi, les idées péniblement acquises à coup de Point dossier spécial Europe (ou Camus, peu importe, ou Figaro peu importe, plus personne n’a l’honnêteté de se contenter d’Auto-Plus) ou de lectures consciencieuses, appliquées, scolaires, prises sur le temps des hobbies (la lecture peut-elle être autre chose!), de Psychomag « la sophrologie comme préparation aux situations d’apprentissage », je viens de taper dans Google, voilà ce qui tombe comme un fruit pourri : « Découvrir comment nous fonctionnons et apprendre comment déjouer tous les types de manipulations dont nous faisons l’objet », apprendre à parler pour manipuler et ne pas l’être, uniquement dans ce but : idées qui n’en sont donc pas, leçons apprises par cœur par d’anciens mauvais élèves, éternels feignants, trop cool le congé parental pour les mecs, je me suis gratté 6 mois les burnes sur mon canap’ (encore lui), oh ça va toi, qu’est-ce que tu fais de plus ? Pète un coup… de toute façon j’ai passé le concours en Outre-Mer, y avait moins de concurrence… Formulations autrefois éminemment nécessaires de vérités encore inédites, sur les minorités par exemple et qui surgissent désormais, comme le canapé, telles des épiphanies post-historiques (l’écriture date la sortie de la pré-histoire, sa mort nous fait donc à son tour sortir de l’histoire), le futur antérieur qui n’a jamais eu lieu (comme la Géode en donne une assez bonne idée à Paris, ou un épisode de Star Trek) fossilisées dans l’œuf, du pur concentré de néant, pourries en germe, toujours d’un train au moins de retard, de mille wagons en tout cas, sur la vraie prise de conscience, faite par d’autres, ailleurs, autrefois et qui sont justement ceux dont ils ne peuvent supporter la présence physique, ici, maintenant, si celle-ci ne les reconnaît pas en validant la leur, en gros il faudrait que Beauvoir ou Shakespeare parlent comme eux, en vrai !, traits de génies qui deviennent de nouveaux clichés donc et c’est le pire, corruptio optimi pessima, la corruption du meilleur donne le pire, comme dit un ami à tout bout champ (grand philosophe qui dans son infinie sagesse finira par ne plus dire que cela). Bien installées, les idées géniales devenues connes, façon béton, sans la moindre flexibilité, au profit d’une psychologie de parpaing dont l’arrogance, véritable cette fois, ne tolère aucune variation, j’en connais même qui ont ouvert un cabinet ! vous ouvrez un tiroir ça sort tout seul et les mots-clefs sont assez simples à retenir (autorité fait quasiment bugger la machine comme les divisions par zéro les calculettes quand on était au collège en maths), stockées (une idée ne se stocke pas, putain !!! une idée c’est de la joie ! C’est une fête disait Deleuze qui sera encore cité plus bas !), prêtes à être récités, bien installées dans les têtes résolument fermées à toute, j’ai bien dit toute et je veux dire la moindre pensée inédite, idée qui n’ait pas été dite à la télé (oui, on regarde la télé le soir !!! BFM ! On regarde BFM je le jure !), à toute parole qui n’ait pas déjà été dite tout court. Les idolâtres de la nouveauté permanente ne supportent rien qui soit un tant soit peu inédit. Parfois, quand vous faites une phrase on croit que vous citez quelqu’un, c’est de qui ?… et si vous, par générosité accidentelle : eh bien de moi… alors c’est parti pour le numéro de carnavalisation : Ouah, oui, évidemment, toi les mots… et tu as écris ça quand ? Mais sous tes yeux connasse… On sera donc, s’il vous plaît chers collègues, anti-homophobe par devoir, anti-raciste par esprit de congrégation (misogyne on peut encore mais dans certaines circonstances, une autre fois, promis), voire par esprit de classe parce que quand même on n’est pas des beaufs, on travaille pas sur les chantiers. Mais si notre travail n’est pas manuel, nous avons gardé cette haine bien placée en-dessous de la ceinture de toute intellectualité et nos principes, que dis-je nos valeurs (qu’est-ce que ça veut dire ? Rien ! On ne sait pas : ça qui est génial!) ne nous empêcheront pas, c’est d’ailleurs ce qui les définit, de vous stigmatiser, sur le mode de l’humour, à chaque fois qu’on pourra, tiens tu as coupé tes cheveux oh là là qu’est-ce qu’il lit mais il n’a pas d’enfants moi je laisse mon sac ici le week-end ça suffit j’ai une vie en dehors (mais non, tu n’en as pas, pour avoir une vie il faut avoir un monde et pas le monde de tout le monde, tu me forces à encore paraphraser Deleuze, comme annoncé, c’est pénible). Foucault disait que les diplômes servaient avant tout à exclure ceux qui ne les ont pas, là c’est pareil, les valeurs servent à repérer ceux qui ne les bêlent pas sur tous les toits. Amusez-vous à dire que vous n’avez pas voté contre Le Pen pour voir. On coupera donc, bien dégagé derrière les oreilles, haut sur la nuque, façon candidat à la Grande Veuve, au sécateur post-littéraire, qui veut notamment que le verbe « impacter » existe (si, si) et qu’il ait de l’impact, on démembrera au hachoir d’une langue morte, organe compris, disait Sollers en 70, et qui se croit libérée des dogmes quand elle est une véritable broyeuse à poussins qui s’ignore, langue organe mort devenu laminoir ou pilon qui veut aplatir en un mot toutes les tentatives de conversation particulière, à deux, quelle horreur à deux mais que peuvent-ils bien se dire, ils doivent coucher ensemble, on dezinguera au bouton gicleur et on bombardera de coussins pèteurs les essais de malheureuses conversations désespérées, au bout du flingue ou de la corde parce que vous crevez de ne plus trouver personne à qui parler et surtout personne à écouter, et dans cette ultime démarche pour ne pas être transformé en bêtes où vous épuisez votre dernière énergie, vous pouvez être sûr qu’on vous regarde, si on n’arrive pas à vous entendre, que les yeux, les oreilles et enfin, dans le pire des cas, les langues se glissent dans l’entrebâillement et que si vous résistez, l’indifférence vous venant comme une voie de secours sans issue, Kevin Costner à la fin de Danse avec les loups, les bras en croix, percé de flèches, je m’appelle pas Sébastien pour rien bordel, on finira au pied-de-biche l’entreprise de désacralisation, sarcophage en bûchettes de 12 s’il vous plaît, pour vous forcer à rendre gorge et à entendre raison et, au pied-de-la-lettre comme au pied du mur, vous serez fusillé si vous ne renoncez pas à ces prétentions au dialogue qui ne peuvent être qu’un spectacle provocateur au yeux de ceux qui ne parlent plus, ces reliquats d’aristocratisme, cet art de la conversation qui ne peut être démocratique sinon pourquoi est-ce qu’ils seraient mis à l’écart, hein ! Ces moments d’ultime humanité sur fond de walking-deadisation des individus et de leur aptitude au langage (émission, réception, interprétation) que vous continuerez à entretenir, pour déjouer la mort des non-vivants justement en choisissant la mort vraie, aussi, il faut bien l’avouer, en partie pour faire chier le monde, c’est-à-dire la vie dans la mort et ce jusqu’à la mort, justement, ces précieuses conversations improvisées, futiles et profondes, libres et savantes que vous tisserez sous la menace du glaive avec ceux, qui, par tous les temps et au mépris du temps qu’il fait, veulent parler et parler et parfois c’est à vous qu’ils veulent parler et vous voulez aussi parler avec eux, au risque mortel d’être jalousés par les autres au-delà de toute proportion, comme on jalouse les élus qui n’en peuvent pourtant mais, même s’ils persistent dans leurs goûts de luxe et leur vocation au sublime à entendre des voix, vous parler à vous qui voulez que la vie soit un peu transcendée ou reste transcendable… Allez faisons simple, ce sera même plus vrai : vous et toutes celles, tous ceux qui ne peuvent radicalement pas en avoir rien à foutre de tout et qui sentent au fond d’eux, rivée à leurs tripes, inscrite dans leur ADN, la certitude que non tout ne se vaut vraiment pas. Les complexes sont dévastateurs à l’âge adulte et votre élégance littéraire, puisqu’on est désormais obligé de la nommer pour la restreindre, agace, dérange, demeure intolérable. Moi je n’ai jamais compris ce qui était littéraire, faute que quoi que ce soit puisse échapper comme chacun sait à la littérature, qui est un reflet dont l’original nous échappe, mes semblables, ou qu’à l’inverse si quelque chose lui échappe c’est qu’elle a cessé d’être littérature et qu’on a sans doute changé d’activité en oubliant de changer aussi les étiquettes : ceci n’est pas un camembert, c’est un roman. Cette attitude il est vrai exigeante avec le terrestre, oh là là c’est violent ce qui tu écris, tu n’as pas peur d’avoir des ennuis, est un crachat altier et une énième occasion alléchante, irrésistible, de vous folkloriser, de vous carnavaliser à mort, de vous mettre en gelée, attention vous allez prendre un compliment dans la gueule. C’est un monde, ou plutôt un non-monde, un purgatoire, des limbes où les autres deviennent de purs commentaires permanents de la seule activité réelle qu’ils repèrent, parce qu’ils la traque du fond de leur désœuvrement et de leur conscience de ne pas faire grand-chose de leur vie, à 40, 50 ou 60 ans, eux qui vivent dans un pays riche, eux qui n’ont pas à livrer des pizzas en scooters ou à curer des vaches dans une ferme en faillite, cette activité réelle, aussi infime soit-elle sur le radar de leurs obsessions et qui fait honte à leur vacuité presque sans faille. Une toile de fond, toujours potentiellement là, destinée à ce que vous l’entendiez, comme une radio qu’on ne peut pas éteindre, une zone sans entrée ni sortie, sans vecteur de direction (et donc encore moins de sens) où l’on vous suit, où l’on vous colle, comme un disque rayé, même de loin, toujours en coin, un concert insupportable (aucune véritable musique ne l’est, aucune véritable parole non plus, c’est donc le signe qu’il n’est fait ni de l’une ni de l’autre) comme des didascalies incessantes oh regarde elle a mis une robe, oh regarde elle ne nous a pas dit bonjour, oh regarde elle s’est mise exprès là pour qu’on la voir lire, mais c’est l’heure du repas ! À mort salope !, où enfin il vous est expressément recommandé de tutoyer dès la première rencontre, et même si possible avant, par mail ; le smiley est requis et quelques fautes d’orthographe bien monstrueuses (clefs perdus, à demein, etc.) vous acquerront sans coup férir la sympathie de votre destinataire, individu universel et donc oxymoron vivant (enfin, en vie) toujours flatté par l’approximatif chez autrui et rassuré par l’absence totale d’ambition intellectuelle, surtout gratuite ah morts les clochards prétentieux ! comme un brevet de médiocrité, une relation tout à fait consentie dans l’absence de connaissances pures, c’est-à-dire de connaissance tout court. Surtout ne plaisantez pas là-dessus, le tutoiement est affaire grave, je vous l’ai dit c’est un brevet, laissez-vous appeler par votre prénom, c’est la manière qu’ont les chefs incultes de vous humilier, de vous engoncer jusqu´à l’asphyxie dans votre détestable petite littérature, il ne vous reste plus qu’à chanter !, c’est un viatique, cette communion dans le tutoiement des êtres qui n’ont plus rien à se dire (Je ne suis pas un bourgeois ! Je me ruine tous les jours ! Toutes mes activités sont résolument inutiles ! Je jure de ne jamais reconnaître d’enfants!) et de lui dépend votre survie, je ne ris pas. D’ailleurs si vous voulez plaisanter, la liste des blagues autorisées, dont celle de la bite en ketchup, se trouve vers la massicot, un peu comme les photos sous pochettes plastique chez le tatoueur un peu cheap. Sous peine cette fois de licenciement, le tutoiement ne peut être bafoué, l’invitation à tutoyer tournée en dérision, Onva peut-êtrese tutoyer, quand même ? – Comme vous voudrez…(Cette réponse qui n’était évidement pas une blague m’a valu que la personne en question ne me reparlât jamais.) Licenciement ou plutôt liquidation, on va vider le stock de parasites intellectuels, y en a marre, j’en ai encore vu un sous une lampe au fond du hangar, faut faire de la place, qu’est-ce tu veux que je foute de tous ces Ipads ? D’ailleurs t’as pensé à emmener les dicos à la benne ? Salut toi, allez suis-moi mon grand / variante : suis-moi beauté, on va bien te trouver un petit coin, ça se passe au bac ton truc ? Y a un examen pour ça ? Le mec n’a, au bas mot, aucun diplôme, c’est justement ce qui lui donne le droit de vous cracher à la gueule. Si ces étagères étaient droites il ne le ferait pas (vanité comblée) et s’il ne le faisait pas, ces étagères seraient droites (justesse des choses en ce bas monde). En tout cas , elle est bel et bien promise, cette liquidation totale de tout ce qui prétend vivre en dehors de cette époque, qui est insignifiante à force d’être sur-signifiante de l’absence de toute signification et de s’abîmer en permanence dans un second degré et une dérision qui sont devenus des purs réflexes mécaniques. Vous voilà non pas habillé pour l’hiver, ce qui irait encore, allez, je l’ose : ce qui serait de bonne guerre, mais mis au rebut d’une sur-exposition permanente au travestissement dégradant, aux insultes dites avec le sourire et même complaisance, si on vous écoute, vous lit et, surtout si on rit comme si on découvrait le rire à vos blagues, il faut bien que vous passiez au bassinet quand même, toute cette admiration n’est pas gratuite, on va raser gratis pour le coup tout ce qui prétendait nous échapper, tout ce qui voulait rester insaisissable en s’installant au cœur des problèmes du temps, justement et sans paradoxe mais ce n’est plus explicable. Bel et bien promise, cette disqualification absolue, jusqu’à vous rendre bègue de rage et de tristesse, elle l’est aussi à ceux qui voudraient rendre la pareille aux harceleurs, sur leur vêture par exemple (je n’ose cette fois pas l’écrire : sur leur façon de parler), discrimination ce serait le chef d’accusation capitale contre vous quand bien même on vous aurais pris 10 ans pour un zombie. Mais justement ! Faut finir le boulot : pas de raison que le bouc échappe à l’abattoir tout émissaire qu’il est, allons… Des milliers de jours à faire de vous un clown, oh tu nous as manqué Sébastien, qu’on pouvait malmener, décorer, post-iter comme une surface de frigo avec ces magnets, un miroir trop cruel qu’il a fallu à tout prix ternir. Interdit par exemple, légitime défense pourtant, de leur dire qu’ils vous font penser à des poubelles déguisées en crétins sans goût, à des adolescents attardés de n’avoir jamais été des adolescents et qui se rattrapent, comme sur tout le reste, en s’ôtant tout moyen d’y parvenir puisqu’il choisissent de mépriser ce qui les a toujours impressionnés : merci à l’époque d’avoir créé ce nouveau paradigme humain et qu’on pourrait appeler pour faire vite l’ignorant tout puissant : nombreux ils sont à vouloir décrocher la timbale. Là, si vous dites ça, non : si vous laissez moindrement soupçonner que vous le pensez, c’est la mort et c’est aussi une sorte d’espoir : le jour où vous rendrez la monnaie, on vous ouvrira la porte et vous serez enfin libre. D’aller crever de faim. Voilà, c’est un peu ça mon quotidien. Vous voyez qu’on est loin de tout micro d’argent. Ou des palmes académiques. Ou de la moindre affinité élective.
Copenhague, le 23 février 2020.