TESTAMENT II « poëme anti-personnel »

TESTAMENT II

« Poëme anti-personnel »

L’horrible grille présage un non-retour endiablé une balise ancienne a été effacée on glisse désormais dans un non-paysage une partie jardin sans plante et sans mirage on prie pour s’effacer il vous en reste un peu là juste aux coins des yeux si si j’insiste et de la bouche aussi vous l’avouerez écume car à partir d’ici on joue à ne plus vivre on s’absente hors de soi jusqu’à l’ordre nouveau c’est bien plus confortable bien en rangs et serrés comme des petits veaux qui à peine sont nés ont le mufle bien tendre et déjà si fragile à gercer petit sabot dragée un petit berlingot facile à entraver attention à la marche car le trébuchement est mortel et la chute elle est tout à fait définitive on ne vous rassurez-vous déballera jamais dégringolade inévitable

J’ai vu des lignes de fuite prendre feu comme une poudre j’ai vu aussi des portraits de vieux pleurer à se dissoudre on avait presque envie de remuer leur visage au fond d’un thé au lait l’économie nous fait décidément du bien on oublie la santé et c’est l’ordi qui rame on oublie les poumons la mémoire patine et plus de souffle au cœur on ne regarde plus au-dessus de ses yeux tous les angles sont plats et tout devient supplémentaire à la nuque brisée nous maintenons dans l’assiette un peu tels ces taureaux piqués dessus le nerf qui redressait si haut leur grandeur courroucée au-dessus de la ligne de flottaison humaine on est comme stérilisé les cornes des bovins qui sont à peine nés ne pousseront jamais c’est qu’à coup de goudron noir et de chimie bouchonnée on a radié les cornes pour l’éternité

Tu te drapes dans ton cap Achab qui pense est un génie qu’on remet dans sa lampe pas besoin de souder et l’amygdale pend un rien ensanglantée on traite les sans-toits comme des sans-avis et pas de sommation tout se fait en silence et dans la bonne humeur n’aie pas peur on fait un pas de danse attention de côté il vous mène à lâcher la rampe et c’est la chute immense un grain de haute volée qui singe la poussière et son ballet de fée or je n’ai pour ma part quasiment jamais lu ceux qu’on dit que j’ai écrit comme eux et c’est la preuve amère infaillible cruelle oui tout juste le certificat que jamais personne ne saura plus lire on a coupé le fil l’inédit indigeste à la plupart des gens aura tôt goût de cendre et l’estomac sera notre dernier organe il est le plus à même de standardiser y compris le sexe

Il faut s’arranger pour ne plus être à la hauteur et passer sous la ligne en-dessous de la survie laisser siffler l’onde bien au-delà de la dernière maladie il faut résoudre son corps à être un passe-temps car plus personne ne sait être seul je me demande alors qui on pourrait bien rencontrer

Copenhague, le 6 avril 2020.