La mort de Godard

Je pense qu’il faut mesurer la mort de Godard (volontaire n’est pas le mot, on ne vit pas quand ce n’est plus possible, rappelons-nous Deleuze) à l’égal de celle d’un Picasso. Si c’est la même échelle de grandeur c’est que, dans les deux cas, il s’agissait d’art. Il est redondant, je crois, d’en détailler la signification à travers différents points essentiels, on est tautologique à dire que les deux maîtres ne suivaient exclusivement que l’expression d’une nouveauté au sens ou ce n’est qu’à cette condition que la création suit la vie, surtout dans les temps de l’absence, une inédicité nécessaire car ayant compris sa raison d’être profonde : créer une équivalence sublime au désastre moderne, une ambition ancrée dans l’expérience immédiate du contemporain et douée de cette impression du passé qui les rendaient allergiques à toute commémoration, je dirai donc pour échapper par une pirouette à l’aporie et très pauvrement qu’ils incarnaient l’art contre la servilité de la culture. Ni l’un ni l’autre ne sont, à l’autre extrémité du problème qui échoient aux êtres interrogés par la transcendance après la mort de celle-ci, ne sont tombés dans une complaisance, au pire méta-machin (Tarantino), au mieux parodique (Giono, Frederic Dard). Autrement dit, à la suite de Van Gogh, qui s’est tué parce qu’il se croyait trop faible pour ne pas être dépassé (grosse erreur, il avait tant à dire encore), les deux génies (et d’autres, Maeterlinck, Pasolini) ont su, contre toute possibilité, réellement créer l’art conscient de sa mort sans en vulgariser la chronique. On est donc, faute de successeur (j’aime beaucoup Lynch mais il botte en touche), dans une merde noire : les points de comparaison vont manquer pour s’inspirer des contre-exemples à la fin, cette fois actée, de la fin finale. Puissé-je me tromper ce qui est le sens de cette allocution.