L’adieu au langage des pseudo-élites

Réaction sympathique à l’article de Lundi Matin https://lundi.am/Le-president-muet

Il reste, chez nous autres qui communiquons directement, faute souvent des compétences et du temps qui nous permettraient un travail plus précis, significatif et plus long, régulier, cohérent, nous autres qui sommes condamnés souvent à l’intempestif qu’il faut calmer et au sporadique qu’il faudrait universaliser, nous qui faisons comme nous pouvons, singeant à moitié par nécessité et à moitié par choix le flux tendu même, stupide dans son épilepsie hurlante et sa modestie pusillanime d’occasion, du discours mensonger de l’État, nous autres commentateurs de circonstances qui arrachons à ce que nous laissent le métier factice et le labeur réel, ces deux hydres concomitantes dont l’une seule mériterait qu’on s’oublie : nous qui donnons en partage le peu que nous arrivons à sauver de l’esclavage qui nous ronge au moins l’âme quand ce n’est pas déjà le corps, déplacé de lieux stupides en temples du reniement de soi, nous qui nous baladons en laissant des bouts de nous, ici un autodafé, et là une messe de corruption, d’un bal des vampires de charités hypocrites à une célébration du solidaire démoniaque qui n’est que l’institution d’un égoïsme triomphant, imbu, carnassier, ivre de sa victoire de travestissement total, nous les riens qui songent encore, car ils n’ont pas autre chose pour alimenter la machine à penser du rêve, à modifier l’esprit collectif à coups de petits mots mal ordonnés dans leur colère, mal convoqués dans leur urgence, à coups de phrases elliptiques trop idéales ou d’expressions massues tout autant trop métaphoriques dans leur puissance que celles des pires gouvernants, chez nous les handicapés forcenés du Verbe, il reste à dire la honteuse et jamais si dévastatrice, inaugurale dans sa sanction péremptoire, inédite dans sa confiance à être définitive, il reste à démasquer sous la superposition infinie des masques comme un oignon infini, il nous reste à éplucher jusqu’au trognon l’imposture d’un langage qui n’a de savant que sa mécanique et à rétablir enfin la parole dans sa subtilité, son exigence et son érudition : la vraie, celle qui n’humilie personne car elle procède de tous et s’adresse à tout le monde.

le 14 décembre 2018

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