LIRE
(Mais pourquoi je me suis cultivé ? Et encore, pas beaucoup, mais c’était déjà trop, quelle erreur !)
Voilà par quel cri de souffrance hypocrite commençait ce texte qui prendra un tour plus joyeux, suggérant la même chose.
Et donc :
Avez-vous été déjà humiliés par un texte ? Sinon, on ne peut pas comprendre ce qu’est la lecture.
De là part la définition de la vertu.
Qui n’a rien d’individuelle, de subjective, même dans le style : tout véritable texte est le fruit d’un dialogue avec les auteurs, je ne peux pas dire ça parce que ça offenserait Descartes ou Ronsard. Mais surtout, tout acte vertueux répond à ce dialogue que permettent les textes lus avec leur auteur : je ne ferais pas ça, parce que cela m’humilie devant Ronsard.
Si on était capable de comprendre ça, on comprendrait que la vertu n’a rien de subjective (j’insiste) et que c’est la somme des êtres qui se sont mis d’accord avec le temps qui nous insuffle nos actes et nos paroles par peur de leur faire honte, comme des héritiers indignes, qui auraient déposé le ballot, ou chié dedans.
Et on se mettrait à lire : cette certitude de parler, de demander conseil, non pas aux sages ni à des sages, mais dans l’espoir d’en récolter quelque fruit, même si l’acte se décide impulsif au moment d’agir, on oriente le geste, le mot, par désir de rester sous l’ombrelle protectrice créée par les textes qui disputent entre eux sur nos têtes, par crainte de s’exposer, ne serait-ce que d’un orteil, au soleil aveugle de la bêtise, de l’injustice ou de la fausse beauté : en un mot du mal.
Et ce serait si naturel qu’on n’arrêterait pas de lire, ou de vivre, ce serait pareil.
Copenhague, 24 février 2020.