ALTA MEA
Tu ne sauras jamais. Je ne saurai jamais. Et pourtant, à n’importe quel point je me serais arrêté, je me serais mis nu et j’aurais proclamé : « Cette vie ne vaut que parce qu’elle est à toi aussi ! ».
Je ne l’ai pas fait, je n’ai pas mis ma chair dans la balance, parce que dans le miroir de nos deux cœurs, je me suis senti seul.
Tu ne l’as pas fait, tu ne l’as jamais fait, et ta chair était toujours cette berne en deuil, que tu retirais à nos ébats, tous ratés.
Je ne puis parler que pour moi, je ne puis que témoigner : tu as retiré, beaucoup plus solidement que je n’aurais jamais pu le faire, le couple de dés qui scellaient notre mystère, tes mains retirées, que je n’ai jamais vraiment baisées, refermaient le courant, sempiternellement.
J’accuse le coup, peut-être de ne n’avoir pas su faire. Surtout de ne savoir oublier. Tu n’as pas su faire, je n’ai pas su faire, nous ne nous reparlerons pas.
Je ne sais pas si j’ai les épaules, je ne sais pas si tu les as et ce n’est pas tout à fait la même question. Mais la réponse est la même : jamais, jamais, jamais, quoi que toi ou moi écrirons après cette ligne que j’anticipe comme définitive.
illustration : Caspar David Friedrich, Der Chasseur im Walde, 1814.