Les trains
Il faut être deux pour rater un train, et c’est à peu près aussi dur que de le prendre ensemble.
Plus, peut-être.
Et comme lorsqu’on prend un train, on peut descendre et le prendre à nouveau, on peut aussi rater un train et le rater encore. De nombeuses fois. Jusqu’à l’épuisement. Et même un peu au-delà.
On dit qu’on ne se baigne jamais deux fois dans la même eau. C’est faux, on se baigne souvent dans la même eau.
On dit que le rechauffé ne marche pas, c’est faux aussi, le rechauffé marche souvent.
Mais de même que lorsqu’on prend un train et le reprend, on ne le ratera jamais, quand on commence à rater un train, on se condamne à ne jamais le prendre.
Entre deux trains qu’on a pris, on prend d’autres trains, chacun pour soi, ou pas de train du tout.
Mais entre deux trains qu’on rate à deux, on croit qu’on va prendre le train, que c’est presque là, qu’on est en train de le prendre, parfois on croit même qu’on est dedans, c’est ça qui est cruel, car si on rate bien le train à deux, c’est à un seul qu’on croit le prendre. C’est un faux train. Car tous les vrais trains, eux, sont toujours à l’heure. C’est le problème des trains.
Et puis un jour ça s’arrête. Tout seul. Il a fallu beaucoup d’acharnement pour produire pareille catastrophe. On en reste en morceaux. D’avoir couru après un éternel train qu’on rate en voyant parfois l’autre faire pareil. Derrière d’autres vitres, comme si ce n’était pas le même train. Alors que c’était sans doute le même. C’est très triste et oui, on est tout en morceaux.
Il faut être deux pour rater un train et je suis sûr que c’est bien plus dur que de le prendre.