Des nouvelles de Laure
Quand elle ne sait pas quoi faire
Laure s’étend là par terre
C’est pour ça qu’elle n’aime pas la poussière
C’est la seule raison pour elle de faire le ménage
Il faut pouvoir s’allonger à même le sol
C’est sa manière de conquérir l’espace
De posséder le temps
Aussi Laure aime beaucoup ne pas savoir quoi faire
Jamais elle n’attend
De passer à autre chose
Elle saute au bas mot sur l’occasion de s’allonger
Les livres sont par terre ils l’entourent
Ils sont cachés sous la table
Ils ont glissé sous le lit
Il y a des piles et quelques éboulis
Des tours lointaines sur le plancher immense
Qu’elle peut raser du regard
Comme un chasseur patient
Mais nulle part la moindre poussière
Un tapis sans un pli enfin peut-être parfois si
Aucun meuble n’entrave son mouvement
Même si le hasard n’est pas banni
Laure peut rouler se mettre en boule si elle veut
Ou s’étendre en croix sur le dos
S’aplatir sur le ventre
Sa peau collée au sol
Elle lit ou dort ou se prélasse ou s’inquiète
Indéfiniment
Pas une pluche ne se colle
Pas une miette ne se pique
Pas un chaton ni le moindre mouton ne se niche
Entre ses doigts dans ses cheveux
Ou sous la plante de ses pieds
Sous ses aisselles
Laure est absente pour toute une éternité
Mais elle est la maîtresse
De ce royaume plat
illustration : Franz Marc – Le Tigre, 1912.