I

TE REVOIR

Es-tu partie douce reviens-tu au même endroit à chaque fois que j’y repense ô les mots ne sont plus si dociles maintenant que les tiens peuvent sonner au bout du champ, dessus le son, dessous le sang d’un crépuscule en filigranes et c’est à les chercher que je tombe sur toi, sous un soleil de rue, qui me rappelle, qui est là, toujours un peu, un peu sous tout, comme une empreinte à l’intérieur de chaque chose, comme un velours qui couvrirait tout mouvement en son dedans, le répétant dans un silence, qui, lui, devance et fait sillon, comme une fleur qui se referme et qui se rouvre incessamment, le pollen électrise mes respirations, est-ce du vide que j’avale et surtout quoi qui me maintient debout dans ses longues journées à respirer sans toi des vagues d’air qui sont un peu comme une lave environnante, un baume aussi ou bien une sorte de feu qui serait apaisant

Des pensées de charbon cèdent la place à d’autres blanches qui les couvrent d’espoirs fols de présent déjà là, images noires qui dedans viennent les doubler de tourment, que j’aime aussi parce qu’il est fermement toi et qu’il promet que ça se passe, là juste sous l’envers du monde, enfin parlant, enfin fécond, vibrant dans l’air comme une fronde, livrant son cœur qui est enfin son firmament, un fouet de sang, cela m’assure une existence enfin certaine où rien ne perce la surface sans demander ta permission, je fais de toi mon gardien et mon temple indien fait de songes en marbre et je ne veux plus rien d’autre que marcher sur ses dalles et les plis des échos de tes pas qui les dansent viennent pour m’entourer et m’extraire du temps tandis qu’il s’enfonce dans le fleuve géant

C’est donc une révolution comme un virage permanent et dont la courbe s’accélère incessamment, et même les descentes sont panoramiques, quand le flux ralentit c’est encore un vertige, un trou d’air, un sourd appel de flamme, comme un chaos naissant, une combustion qui ne peut s’épuiser, une soif que n’étanche aucune hésitation, les rideaux, les frissons viennent-ils de bouger, vite un pas de côté, redoublé, redoublé, climat à l’identique au paysage intact, une mer de diamant, un soleil pétrifié, je ne veux plus sortir, dans ces lieux dirigés par les gens sans espoir qui se cognent la tête aux murs qu’ils ne voient plus, tu me donnes la haine de toutes les prisons, je veux être sans fin, je veux être sans foi, je ne veux plus être sans toi, tu es mon dernier compromis, je veux par toi être pensé et puis sans cesse réécrit

Copenhague, 31 Août 2019.

10 réponses à « TE REVOIR (I) »

  1. Avatar de Studio d'Azy
    Studio d’Azy

    pas facile à lire sans respirer, alors, je m’ accorde deux respirations profondes, comme ton texte, de par la loi des intervalles entre tes trois phrases !

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    1. Encore une fois tu as tout compris ! Merci…

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  2. Si vous saviez que j’ai, même non publiés, écrit, avec moins de délicatesse, ces mots que vous écrivez. Aujourd’hui et depuis quelques mois, je suis de l’autre côté.. à « voler » un coeur qui ne bat plus que pour moi. Je vous parle d’une femme mariée, qui deviendra la mienne un jour ou l’autre. Je ne parle pas de sexe, ni même de tromper ma solitude. Je vous parle d’amour, Sébastien.. et ? quand le coeur ne bat plus pour l’une ou l’un, on doit s’y résigner. On ne fait pas l’aumône des sentiments, comme j’écrivais il y a plus d’une vingtaine d’années.
    Votre texte m’a profondément chamboulé, puisque je sais ce que vous éprouvez, l’ayant éprouvé moi même à diverses périodes de ma vie.
    Retenez simplement, que personne ne nous appartient (vous le savez) et que vous n’appartenez à personne (ce qui est une chance)
    Je vous embrasse fraternellement

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    1. Je suis heureux que le texte vous ait touché, merci pour ce témoignage sympathique, et la célébration implicite qu’il fait de ce à quoi nous pouvons réellement tenir, quand tout le reste échappe, et qui est au fond la seule chose qui compte : la littérature.

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  3. Il y a beaucoup plus que la littérature.. nous la prenons, effectivement, comme de première urgence / importance, quelques un-e-s de nous. Mais ? il n’y a pas que ça.. il y a aussi ce qui la nourrit. Et puis ? d’autres prennent source ailleurs, quel que soit le métier.
    Pour ma part, c’est la littérature (si je peux me permettre ce mot comme un qualificatif personnel) qui m’a sauvé. Ma vie n’a jamais été simple, et ? l’amour qui nous porte, cette femme dont je vous parlais plus haut et moi, n’est pas sans difficultés. Malgré tout ? nous avons les mots..

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    1. Très bien, mais c’est là que je cesse d’être d’accord.

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      1. J’ai été ouvrier, en ai tiré profit pour ma poésie qui était déjà présente avant même d’avoir métier. Ne parlez vous que de littérature ? si vous pouviez préciser votre point de désaccord..

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      2. Je comprends bien. Je veux dire qu’il n’y a aucune différence entre la littérature et la vie. Le texte écrit ici ne renvoie pas à une expérience, il « est » cette expérience, dans le sens où elle devient telle à partir du moment où elle est écrite : la forme finale ne se retourne pas vers une expérience originelle dont elle serait la copie, il n’y a pas deux états ou deux moments dont l’un serait la cause de l’autre, la littérature est cet acte de création de vie, et non la mise en forme d’un état qui pourrait encore se reconnaître sous elle. D’où qu’elle n’est pas un moyen, c’est ce moyen qui est la vie, ou le réel, comme on voudra…

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  4. Vous me faites penser à certaines réflexions d’Artaud dans « l’Ombilic des limbes » et le reste de son oeuvre. Vous avez complètement raison. L’acte d’écrire ne peut se séparer de l’esprit et de la réalité, du moins de notre réalité au présent. Pardonnez la simplicité de ma réponse, mais je la pense convenable et vous ayant compris, comme je me comprends.

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    1. Il n’y a rien à pardonner, nous sommes d’accord et je suis heureux que les textes nous parlent encore !

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